Une belle et grande bâtisse blottie à l’ombre du clocher du village, un établissement où les salles confortables succèdent à un vaste salon à l’atmosphère feutrée, une table où les produits de grande fraîcheur disputent la part du lion à la mise en scène volontairement sans chichis inutiles dans l’assiette, un service discret mais efficace, un chef qui a fait de sa passion une profession de foi… notre métier nous oblige parfois à abuser de lieux communs et de périphrases consciemment soupesées. Et pourtant… le « Laurierblad » (littéralement la Feuille de Laurier) de Guy Van Cauteren mérite sans conteste des éloges de ce genre !
Peu de chefs de son niveau sont en effet encore capables de nos jours de combiner cuisine de terroir (au sens noble du terme) et inventivité. Le virus de la bonne chère lui a été inoculé dès son plus jeune âge par son père, qui tenait la boucherie familiale là-même où se trouve aujourd’hui le restaurant. Formé donc aux métiers de la viande, Guy Van Cauteren décida toutefois de se tourner vers l’Horeca et entama des études à la très réputée école hôtelière de Coxyde. Cet enseignement lui ouvrit la porte de la haute gastronomie parisienne puisqu’il fit ses armes chez Alain Senderens, à l’Archestrate tout d’abord et chez Lucas Carton ensuite. De retour en Belgique, Guy Van Cauteren mit ses talents naissants à profit pour œuvrer à la tête des cuisines de l’Ambassade de France à Bruxelles. Enfin, il revint à ses origines en 1979 en réinvestissant la maison familiale. Le chef y met en scène depuis près de trente ans une certaine idée de la gastronomie, n’hésitant pas à titiller l’avenir tout en n’oubliant pas les acquis de l’Histoire (avec majuscule) gourmande.
La créativité et l’exhaustivité gustative du chef se retrouvent également dans une de ses autres grandes passions, le thé. Il se dit d’ailleurs que Guy Van Cauteren figurerait parmi les meilleurs spécialistes en Belgique de cette subtile boisson. Enfin, notre homme est aussi l’auteur de plusieurs recueils de gastronomie et un animateur très populaire de plusieurs programmes culinaires à la télévision flamande.
Et parce que le maître des lieux souhaite rester fidèle à sa ligne de conduite et refuse absolument de travailler autrement qu’avec des produits nobles et exclusivement saisonniers, il ne nous a pas été permis, chose inaccoutumée, de goûter avant l’heure le menu réservé aux lecteurs de Touring Explorer. A l’exception toutefois de « la » spécialité maison, la fameuse aiguillette de bœuf braisée huit heures au four... de la mise en bouche et de la glace au thé vert Matcha, un thé réduit en poudre très fine originaire du Japon. Mais pour avoir déjeuné plusieurs fois à la table du ‘t Laurierblad, nous savons que nous pouvons, que vous pouvez, lui faire une confiance aveugle et que nous ne conduirons pas les gastronomes que vous êtes dans la gueule du loup !
Voici donc d’une façon inhabituelle, une description la plus précise possible du Menu Touring des mois de mars et avril… obtenue grâce aux confidences du chef.
Celui-ci débute au salon, où trône un splendide piano à queue et une collection exclusive de théières, avec un Crémant d’Alsace brut de la maison Rieflé. Il est accompagné de biscuits salés, de quelques olives, de tomates-mozzarella revisitées et de différentes petites bouchées. Ces premiers « grignotages » sont immédiatement suivis par la mise en bouche, un mariage étonnant de tête de veau en tortue et de crabe, relevé par une sauce gribiche.
La suite du repas se déroule soit sous la claire verrière donnant sur la terrasse ou dans la salle intérieure, plus feutrée. De part et d’autre, les tables sont nappées de long et chacune est protégée du sol par son propre tapis au décor unique.
La première entrée est un filet de maquereau cuit au vin blanc et aux aromates (une brunoise de carottes, poireaux et céleris), dressé désarêté sur l’assiette. Très délicat au niveau cuisson, le maquereau doit être d’une toute grande fraîcheur pour offrir une chair la plus tendre possible. Pour souligner le goût un peu salin du hareng, le chef l’accompagne de baies de l’épine-vinette qui relèvent l’ensemble par leur touche acidulée.
Vient ensuite un velouté aux asperges du pays, préparé au bouillon de volaille et avec la purée de ces dernières. Les pointes sont servies dans le velouté. Celui-ci est agrémenté d’un élégant montage composé d’un œuf en cocotte, d’une brioche toastée et de quelques mousserons des prés, champignons de printemps par excellence.
Pour suivre, le plat principal fait partie, on l’a dit, des plus incontournables préparations du chef. Cette pièce de viande, au demeurant plutôt copieuse, doit à sa cuisson particulière une tendreté presque honteuse et se détache sans l’aide d’un couteau. L’aiguillette de bœuf est accompagnée de jeunes carottes relevées à la coriandre fraîche, d’originales rondelles d’oignon frit et de pommes de terre « macaire », confites à la graisse de canard.
Conservez toutefois un peu de réserve car, après la tartelette au fond sablé breton, garnie d’une crème aux citrons de Menton, après les fraises « Gariguette » (soit les premières fraises provençales de la saison) marinées dans un sirop léger et relevées au poivre de Tasmanie, après la quenelle de thé vert Matcha tournée à la minute… viendra le buffet de petits fours, « gâteries » et chocolats, servis à discrétion avec, selon votre choix un café… ou un thé !
Guy Van Cauteren vous aura de cette façon fait découvrir sa cuisine, préparée avec des produits qui ont du goût, élégante sans être tape-à-l’œil. Une gastronomie axée sur le plaisir, classique mais adaptée au gourmet moderne.
- publié dans Touring Explorer, mars 2008.
Restaurant ‘t Laurierblad
Dorp, 4
9290 Berlare
Tél. 052 42 48 01
http://www.laurierblad.com/Restaurant fermé le lundi et le mardi toute la journée